Sur Gaza, on a lu beaucoup de choses. Les morts comptés comme des perles noires qu’on enfile sans fin. Le débat sur le 7 octobre, comme une partie d’échecs macabre. Le pénible inventaire des pénuries façon tableau Excel de l’enfer. Le disque rayé des promesses diplomatiques – sommets au matin, vetos au soir. Les inlassables rappels historiques, ressassés comme un chapelet de malheurs. Une liste à la Prévert mortifère, qui colle l’envie d’hurler dans un coussin. Et qui plante malgré elle une vilaine graine dans les caboches : pourquoi faudrait-il encore se battre quand le rapport d’autopsie est déjà signé ?
Bien sûr, tout ça, il fallait l’écrire. Tout ça, il fallait le lire. L’ennui, c’est qu’on a aussi pas lu beaucoup de choses. Comment les Gazaouis inventent sans cesse des solutions de survie à l’efficacité redoutable. Comment des architectes font pousser des utopies dans les champs de ruine. À quoi ressemblerait une Gaza autodéterminée. À quoi ressemble déjà un oasis de paix dans lequel cohabitent Juifs et Arabes. Comment à Gaza s’invente le futur des occidentaux. Que font les artistes israélien·nes et palestinien·nes en temps de guerre.
Ce qu’on n’a pas lu, c’est Gaza non pas seulement comme un lieu qui subit, mais comme un lieu qui produit – de l’art, de la pensée, de la révolte. Gaza est aussi ça. Gaza est aussi tout ce que nous n’avons pas lu. Alors tout ça, on a essayé de l’écrire.
Avenir, espoir, utopie, art, solidarité, paix : tel un bingo naïf, ce grand dossier coche tous les mots qu’on ne prononce plus – ou presque – au sujet du conflit opposant le Hamas à Israël. Braquez-le face à l’horreur, et il agira comme un miroir déformant. Et parce que oui, « l’espoir fait vivre » (tout le monde connaît cette citation de Paul Valéry) «… mais comme sur une corde raide » (on connaît plus rarement sa fin), acceptons le risque du funambule et marchons sur les fils tendus par les artistes, utopistes et visionnaires. Vertige assuré mais aussi, peut-être, au bout, de nouveaux horizons.