Interview
30.06.2025
Par
Dan Geiselhart
Mahaut et l’écologie, c’est une histoire d’amour mouvementée. Le sujet la passionne, mais son éco-anxiété lui colle un syndrôme de la page blanche. Alors elle cause politique, sexe et fête. Et malgré quatre plaintes au cul de la part de députés d’extrême droite, elle persiste et signe : contre la haine, l’humour sera plus fort !

D'où vient ton pseudo, Mahaut Drama ?
Mahaut Drama : Quand j'étais ado, ma bande de potes m’appelait  « Lady Drama », en me disant que j'étais « intense ».

Et tu as décidé de le garder ?
M. D. : Oui, en me disant que c'est ma qualité. Je vis mes émotions à fond. Ma sensibilité, c'est ma force, au final. En école de journalisme, j'étais trop différente. Les profs me détestaient, ils avaient essayé de me virer de l'école. L’entrée à Sciences Po, je l’ai ratée 16 fois. Et puis j'ai raté les Beaux-Arts deux fois, et tous les Conservatoires de théâtre. En fait, ma vie est une succession de ratages qui m'a permis justement d'être certaine que je voulais être artiste. J'ai aussi été journaliste à LCI puis chez Voici. Les deux m'ont renvoyé sous prétexte que j'avais une personnalité trop forte. Et puis Marie Bonnisseau (animatrice à Radio Nova, ndlr) était dans le public un jour où j'étais sur scène. Elle m'a proposé de bosser à Radio Nova… et quel bonheur de l'avoir rencontrée ! À Nova, on te dit que c'est bien d'être quelqu'un d'original. Tu as l'air folle ? Continue, c'est très bien. Puis, j'ai été à France Inter, à Teva et sur Quotidien depuis mars (habituez-vous à me voir souvent !). Je suis contente d'être allée dans l'humour, où c'est ta singularité qui fait ton succès, pour que cette intensité devienne une qualité chez moi.

Cette intensité se traduit-elle dans ton rapport à l’écologie ?
M. D. : Il faut que je réfléchisse deux secondes… L'écologie, ce n'est pas mon sujet de prédilection,  je fais à peine le tri [rire]. Je me sens amoureuse de l'écologie, mais je ne fais pas toujours les bons choix. J'achète des fringues en friperie ou sur Vinted, j'achète mes légumes à la Biocoop d'à côté, mais c'est vraiment des petits trucs.

Nous, on dit toujours: Il vaut mieux 1 000 écolos imparfaits que 10 écolos parfaits. Comment tu t'informes sur ces sujets ?
M. D. :  Quand je vois des articles sur le fait que c'est la fin du monde, je ne les lis pas. Rien que le titre, je me dis merde. Quand j’en lis, à chaque fois, je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je fais une fuite à l'avant, je vais en soirée techno, maintenant, à 16 heures, pour aller oublier sous la lumière des projecteurs et des boules disco, qu'on va bientôt se nourrir d'insectes ? Ce qui est différent avec notre génération, c'est qu'on va vieillir dans un monde qui n'est pas celui dans lequel on a grandi. Je suis né en 94, j'ai grandi sous un truc très jet set des années 2000 de surconsommation. 10 ans plus tard, je vois très bien que ça a changé. J'essaie souvent de me dire : « sois ouverte à tout, parce que tout va changer ».

En attendant, ça me rend dingo qu’on ne taxe pas tout ce que fait TotalEnergies, qu’on puisse être populistes sur des sujets aussi importants. Finalement, c'est une dichotomie très capitaliste, on met sur l'individualité la responsabilité d'un problème global, alors que c'est aux politiques publiques de s'adapter à la demande. Le RN va peut-être être au pouvoir alors que c'est une de leurs zéros priorités. Tout ça parce que Sandrine Rousseau a dit que ce n'était pas bien de faire des BBQ…

Peut-on rire de l’écologie ?
M. D. Personnellement, sur scène, je n'ai pas encore fait de vannes écolos, ça me fait tellement bader… Je me vois tellement éco anxieuse que j'ai la page blanche. Mais vous connaissez le Greenwashing Comedy Club ? À chaque fois que je les vois sur scène, c'est un souffle qui me redonne de l'espoir. Je pense que l'humour, c'est un outil de thérapie collective et une catharsis ultime, c'est autant un outil de survie que de faire des petits gestes du quotidien. C'est la politesse du désespoir. Il faut qu'on arrive à rire du fait qu’on va tous mourir. Allez voir les spectacles de Thomas VDB ou de Swann Périssé, vous aurez votre dose de sérotonine pendant cinq jours. 

Ton humour est davantage politique – faut-il par exemple se moquer du Rassemblement National ?
M. D. : Absolument. Alors ça coûte, mais il faut le faire. J'ai quatre plaintes aujourd'hui contre moi de députés du Front National. En mars 2024, lors d’un débat intitulé « Comment lutter contre l’extrême droite ? » organisé par Mediapart, on a dit que j'avais appelé à prendre les armes en cas d’une possible victoire de Marine Le Pen en 2027, chose que je n’ai jamais dite. Ce qui est dingue, c'est que c'est des fake news. Mais une fois que tu as le JDD, CNews et le Figaro, ensuite BFM et puis Thomas Sotto dans La Matinale et toutes les grandes gueules qui parlent de ça, ça devient une info qui n'a jamais eu lieu. Mon affaire est allée jusqu'au gouvernement, qui a activé l'article 40 du code pénal contre moi (crime ou délit transmis au procureur de la République, ndlr). J'ai dû fermer mes réseaux, j'ai été menacée de mort, menacée de viol, c'était horrible.  

Face à ça, comment réagir avec humour ?
M. D. : J'ai parlé avec plein d'avocats différents : je n'ai commis aucune infraction. En même temps, cette histoire me rend forte et me montre qu'il ne faut pas que je me taise face à ces injustices. Et j'ai la chance d'évoluer avec des gens comme Guillaume Meurice, Charline Vanhoenacker, Aymeric Lompret, qui ont déjà vécu ce genre de situation. Ils m'ont permis d'en rire. Quand j'étais au milieu de la tempête, un jour en fin de conférence de rédaction, ils m'ont dit : « Mahaut, c’est ta Légion d'honneur, bienvenue dans la bande ! » Et on en riait ! Leur courage m'oblige à rire. Je suis honorée d'évoluer avec eux. Ça me permet de mettre de la distance dans tout ça.

Est-ce que tu as encore de l'espoir ?
M. D. : Le jour où je n'ai plus eu d'espoir, c'est quand j'ai appris que Mark Zuckerberg  s’est fait construire un bunker à Hawaii. Franchement, si ce mec, qui ne boit pas, ne fume pas, c'est-à-dire ne prend pas de décisions en phase maniaque, a fait ce choix, c'est que c'est sûr et certain qu'on va tous crever. Mais d'ici là, vivons, quoi. Aimons-nous, faisons la fête, créons. Ça enlève peut-être même le point d'interrogation de la fin de ma vie.

L'Anti-Bilan Carbone de Mahaut


Est-ce que tu as déjà maudit les écolos ?
M.D :
Non, jamais. Vraiment, ils ne m'ont jamais fait chier, les écolos.. 


Est-ce que tu as déjà cliqué sur une pub pour planter un arbre à l'autre bout du groupe ?
M.D :
Non, mais mon moteur de recherche, c'est Ecosia. 

Est-ce que tu as déjà acheté une gourde ou un tote bag alors que tu en as déjà mille ? M.D : Non, mais parce que j'ai mes fournisseurs officiels : tous les festivals féministes auxquels je me rend, on me donne un tote bag avec un clitoris. J'en ai déjà, mais merci, j'en ai besoin d'un troisième.

Est-ce que tu fais pipi sous la douche en te disant que tu faisais un geste écolo ?
M.D : Oui, mais pas parce que c'est écolo. Vous trouvez pas qu'il y a un truc physiologique quand l’eau coule ? 

Est-ce que tu as déjà acheté un truc inutile, dont tu n'en avais absolument pas besoin ?
M.D :
Oui, je vais être très honnête, je suis accro à la cigarette, au chardonnay en terrasse, et aux boucles d'oreilles. Alors là, les bijoux, c'est sûr que j'en achète trop. Je suis devenue égérie comme ça : mes copains m'ont même payé en boucles d'oreilles. 

Est-ce que tu as déjà gâché un repas de famille en étant climato-moralisatrice ?
M.D :
Oui, lors du baptême de ma nièce. Tout le monde a fait popper le champagne, je parle du réchauffement climatique et là ma mère me sort : « ça fait deux étés de suite qu’il pleut en juin ». Il y a eu une petite dispute. 

Ton pire pêché écolo ?
M.D :
J'aimerais bien avoir un jour une piscine. Mais du coup, j'imagine que je vais essayer de trouver un juste milieu en ayant un petit baquet. En plus, comme je suis dramatique, il y aura de la mosaïque. 

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