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Est-ce que tu te considères comme écolo ?
Aymeric Lompret : Je pense que je suis à l'écologie ce que les flexitariens sont à la viande. J'essaie de faire le maximum, de prendre l’avion le moins souvent possible par exemple. Mais après... Je suis allé jouer à Montréal en avion. Ça compte, même si c’est professionnel. En même temps, il y a l’autre penchant : si on se dit qu’on ne se déplace plus, on ne va plus jouer à la Réunion par exemple. Et finalement les Réunionnais n’ont plus aucun artiste qui vient, et ne voient les spectacles qu’à la télévision.
Ta conscience écologique existe depuis quand ? Quelques années ? Mois ? Jours ?
A : Non, ça fait longtemps, super longtemps même. Mais ça s'est accentué avec les rapports du GIEC. Après, je ne suis pas vraiment un précurseur en écologie, mais bon, j’essaie quand même de suivre le mouvement.
Est-ce que tu as une volonté, peut-être de par le côté à la fois nonchalant et foutraque de tes chroniques ou de ton spectacle, de montrer que le monde est absurde ?
A : Ce n'est pas un truc que je veux faire, le « je m'en foutisme ». Mais je crois que c'est comme ça que je fais de l'humour. Je n'ai pas cherché à l'être, je suis comme ça. Après, je fais des critiques sociales, surtout le thème du nouveau spectacle, « Yolo », qui porte sur la question du mal-logement. Par contre, je ne pense pas que les humoristes aient un rôle de politique ou de sociologue. Je pense que la première fonction d’un humoriste, c’est surtout de faire rigoler. Si je vais voir un spectacle d'humour qui ne parle que des feux rouges... Bon.
D’ailleurs, « Yolo », ton titre de spectacle, est aussi un peu absurde. Comment tu l’as choisi ?
A : Putain, je l'ai pas réfléchi ce titre. [rires] À la base c'était pour se foutre de la gueule des gens qui disent « Yolo, on n’a qu'une vie, viens on fait de la trottinette ». Je pense que si je pouvais changer maintenant et opter pour un nouveau titre, je l'appellerais « Qu’il est bon de rire ».
Tu avais fait une chronique sur le boycott de la Coupe du monde de foot au Qatar. Pari tenu ?
A : Je voulais boycotter la dernière Coupe du Monde, mais je suis fan de foot ! On a surtout fait une chronique dessus pour alerter sur la stupidité du truc. J’ai plein de contradictions : j’ai un iPhone par exemple. Il y a pleins de gens qui s’en battent vraiment les couilles, qui jettent leur mégot par la fenêtre. Mais je pense que si tout le monde arrivait au moins à la moitié de ce qu’il faut faire, les choses pourraient s’améliorer. Ce serait un bon début de solution.
Ton remède pour ne pas déprimer face à l’ampleur de la tâche ?
A : La drogue ! [rires] Plus sérieusement, mon remède c’est d’essayer d’équilibrer. Quand je fais quelque chose de « mauvais », j’essaie de compenser de l’autre côté en essayant d’alerter les gens. De mon côté, j’essaie de trier, d’acheter le moins de plastique, de remplir mon bidon de lessive chez Biocoop. Mais dans mes chroniques, j’essaie de dire de vraies choses, je ne peux pas uniquement faire le guignol. Quand il y a vraiment beaucoup de gens qui t’écoutent, ça me semble important. Et c’est aussi la différence entre les spectacles et les chroniques : dans une salle, il y a mille personnes qui sont venues d’elles-mêmes, qui ont fait le choix de venir. Donc tu peux te lâcher un peu. À la radio, il y a un million d’auditeurs, parfois plus, donc il ne faut pas raconter trop de conneries quand même.
Mais pour être écolo, il faut pouvoir se le permettre. Est-ce que c’est un truc de riche ?
A : Je pense que c’est surtout une question d’éducation, les gens les plus écolos sont ceux qui ont le temps. Parce que ça prend du temps, par exemple, d’acheter de la bonne viande. C’est plus cher certes, mais ça prend aussi plus de temps que d’aller au supermarché acheter de la viande de merde. Ou d’être végétarien d’ailleurs. Quand on voit qu’un Happy Meal coûte 4 euros, c’est imbattable. Je ne suis pas d’accord avec les gens qui disent que bien manger est abordable, c’est faux. Il y a quatre fois plus d’enfants obèses chez les ouvriers que chez les cadres. Il y a vraiment une question d’éducation et de classe.
Est-ce que tu ne penses pas que l'un des problèmes de l'écologie, c'est d'avoir une image un peu ringarde ?
A : Moi, j'ai du mal à identifier les écolos, tu vois. Je n'arrive pas à savoir si un mec est écolo ou pas. C'est comme les gens féministes. Pour moi il y a les féministes ou les gros cons. Il y a les écolos, et les gros cons. On est quand même hyper avertis, il y a eu 28 COP ! C’est un peu réducteur, et le but n’est pas de faire du mépris de classe, mais il reste peu de temps. En tout cas, dans 2 ou 3 ans, il faudra choisir entre faire partie des gros cons ou des écolos.
Qu’est-ce qu’il faudrait faire, selon toi, pour changer les gens ?
A : Moi, je suis assez partisan des petits gestes. Beaucoup de gens du milieu écolo disent que ça ne sert à rien, que ce n’est pas vraiment ça qui compte. Ce n’est pas complètement faux… Concrètement, ça ne change pas grand-chose. Mais par contre, ça te met dans un état d’esprit, c’est quelque chose que tu intègres quand tu es petit, et qui va rester. Au-delà de l’impact quantifiable, qui n’est pas super important c’est vrai, en termes d’éducation ça peut avoir une vraie valeur, et ça peut faire bouger les choses. On dit souvent que ce sont les entreprises qui font la différence : si demain tu as un gamin qui a grandi dans une famille écolo qui est à la tête d’une entreprise, il prendra peut-être des décisions avec une conscience un peu plus écologique que le précédent patron. Et ça, c’est quand même pas négligeable !
Est-ce que tu as déjà maudit les écolos ?
Non, jamais !
Cliqué sur une pub pour planter un arbre à l’autre bout du monde ?
Non, non, je n’ai jamais fait ça parce que j’ai pas le bras assez long !
Acheté une gourde ou un tote bag alors que tu en as déjà mille ?
Ouais, les gourdes c'est... Une catastrophe. En plus, j'ai lu que les tote bags étaient hyper polluant. Par contre, je fais souvent mes courses avec un sac à dos - et j’en ai qu’un ! Ça compte ?
Profité d’une offre de compagnie low-cost en mode “un vol acheté = un vol offert” ?
Non jamais.
Fais pipi sur la douche en disant que tu faisais un geste écolo ?
Moi je fais pipi sous la douche, mais sans prendre de douche. Par contre, je me douche dans les toilettes.
Mangé un fast-food pas du tout écolo ?
Bien sûr. En plus, j’en ai mangé un il y a pas longtemps. Putain, c’est bon. Un dimanche soir, en gueule de bois… C’est que du plaisir. Par contre une fois par an, pas toutes les semaines.
Acheté un truc inutile dont tu n’avais absolument pas besoin ?
90% des choses qu’on achète ne sont pas vraiment des nécessités. Le dernier truc que j’ai acheté dont je n’avais pas besoin, c’est un laser. C'est trop bien, mais ça ne sert à rien.