17.11.2025
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Vous étiez à Portland, au début des années 1990 ? Nous non, mais on aurait bien aimé. Parce qu’Igor Vamos, était là, lui. Ce jeune vingtenaire aurait pu rester un banal étudiant en arts plastiques, sauf qu’Igor ne manquait pas de suite dans les idées. Fondateur d’une association étudiante appelée Guerrilla Theater de l’Absurde, il pratique le « culture jamming », autrement dit le sabotage culturel, en créant des « coups » absurdes, et donc médiatiques.

Une nuit, son association renomme tous les panneaux de signalisation et sorties d’autoroute de Portland « Malcolm X Street » pour contrer la polémique sur le renommage du boulevard Martin Luther King. Un autre jour, le groupe fait vomir bleu-blanc-rouge 24 volontaires en costards (grâce à du sirop d’ipéca, de la purée de patates et des colorants), dans une performance très sérieusement intitulée Reverse Peristalsis Painters, pour dénoncer une levée de fonds au profit du sénateur républicain Bob Packwood. En 1993, le groupe achète 300 Barbie et G.I. Joe, échange leurs mini-hauts-parleurs, et les retourne en boutique, mettant en vente des Barbie criant « Vengeance is mine! » et des soldats piaillant « Let’s go shopping! », pour s’attaquer aux stéréotypes de genre. 

Les Barbie et G.I. Joe dont les voix ont été échangées par le Barbie Liberation Front - Photo Play Well exhibition, Welcome Collection

Fin des 1990s, Igor rencontre Jacques Servin. La trentaine, ce simple employé de bureau chez Maxis (l’éditeur du jeu Les Sims) s’est fait connaître pour avoir créé un happening que n’aurait pas renié Igor. En 1996, il a ajouté un bout de code dans le jeu SimCopter faisant apparaître des hommes en maillot de bain en train de s’embrasser. Le hoax n’est pas repéré avant la sortie du jeu, et, par conséquent, suscite un sacré shitstorm médiatique. Fin des 1990s, Igor et Jacques se rencontrent, et s’associent. Ils lancent d’abord RTMark (®™ark), un collectif activiste anti-consumériste, et The Yes Men, groupe grâce auquel ils élèvent l’absurde à l’état de militantisme, et acquièrent une renommée mondiale pour leurs canulars à l’encontre, notamment, des plus gros pollueurs que la terre ait porté. 

Les cibles des Yes Men sont nombreuses : George W. Bush, Shell, ExxonMobil, Dow Chemical,… Mais leur mode opératoire est quasi systématiquement le même : Igor et Jacques créent une copie du site web de leur cible, et attendent de se faire inviter à prendre la parole en public par des organisateurs de conférences ou des médias. Une fois leur proie ferrée, ceux que Bush lui-même a qualifié de « fouilles-merde » déroulent un discours parodique, souvent appuyé par une mise en scène grotesque.

Dans The Yes Men Fix The World, leur second documentaire autobiographique, Igor et Jacques expliquent « combattre le feu par le feu ». Autrement dit : jouer aux imposteurs pour mieux dénoncer l’imposture de leur cible. Au nom de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), ils annoncent un partenariat avec McDonald et proposent de munir les pauvres de filtres leur permettant de recycler leurs excréments pour en faire de la nourriture. Plus tard, toujours au nom de l’OMC, ils annoncent que le siège de l’organisation va être déplacé au Sud du globe pour limiter les effets néfastes de la mondialisation.

Au nom de Dow Chemical, ils annoncent (sur la BBC) que l’entreprise va enfin prendre ses responsabilités et indemniser les victimes de l’explosion d’une usine de pesticides en Inde. Au nom de l’entreprise parapétrolière Halliburton, ils présentent le concept de SurvivaBall (boule de survie), une combinaison gonflable au coût prohibitif protégeant les riches des conséquences du réchauffement de la planète. À chaque fois, ils prêchent un scénario volontairement grossièrement absurde pour révéler la vraie absurdité du réel. Efficace ? Suffisamment en tout cas pour que les médias les qualifient de « fauteurs de trouble de renommée mondiale ».

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